« 20 bières d’auteurs en Wallonie et à Bruxelles », Michel Verlinden, Racine, ouvrage à paraître en novembre 2013.

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C’est dans le contexte du début des années 50 que la Rochefort 10 voit le jour. Après la guerre, la situation est relativement favorable à l’abbaye, l’agriculture périclite – elle prendra fin en 1983 – mais la brasserie devient peu à peu la source principale des revenus de la communauté des moines. Pour preuve, en 1949, la brasserie acquiert un camion de taille plus importante pour effectuer les livraisons (1). Malheureusement, la concurrence se fait sentir très vite. En cause, les bières de Chimay en provenance de la brasserie de Scourmont qui se taillent une belle réputation en raison de leur qualité résultant d’installations modernisées. Pour l’Abbaye Notre-Dame de Saint-Rémy, l’alternative est simple : réagir ou mourir.

Avec la complicité du professeur de Clerck, l’artisan du renouveau chimacien, et l’aide fraternelle des moines de Chimay eux-mêmes, la brasserie se repense. Elle élabore une gamme d’une grande cohérence. Outre la Rochefort 6 inspirée par la Middle, une bière de table traditionnellement brassée pour le réfectoire, un second breuvage voit le jour, la Rochefort 10, nommée « Merveille à l’époque ». Signe particulier ? Elle est la bière trappiste la plus forte de Belgique. En 1953, une dernière bière voit le jour, la Rochefort 8. Les bières de la brasserie de l’Abbaye Notre-Dame de Saint-Rémy ne se distinguent pas seulement par le savoir-faire dont elles procèdent, elles profitent également d’une matière première unique : l’eau. On rappellera ici, qu’un verre de bière contient plus de 90% d’eau.

L’adage selon lequel « Une bonne eau fait une bonne bière » n’est pas un mythe, notamment en raison de la présence de minéraux comme le calcium, le zinc, le cuivre ou le magnésium. La brasserie de l’abbaye jouit, quant à elle, d’un véritable don de Dieu, la source de la Tridaine, découverte en 1797 par les moines. Celle-ci  – elle est la propriété de l’abbaye qui par ce biais fournit gratuitement  80% de l’eau de l’agglomération rochefortoise – donne un goût unique aux trois bières… sans qu’un quelconque traitement chimique soit nécessaire. Malheureusement, l’actualité récente a montré que ce joyau cristallin était menacé. Au-dessus de la petite montagne qui domine l’abbaye  s’étend le plateau du Gerny où se trouve une carrière exploitée par la société Lhoist Industrie. Cette dernière a un projet d’approfondissement de l’exploitation qui met en péril la source d’eau pure qui alimente l’abbaye. La communauté de l’Abbaye Notre-Dame de Saint-Rémy s’inquiète et se mobilise car les études menées durant plusieurs années ne permettent pas à la société en question de fournir des garanties absolues quant à la préservation de l’eau tant du point de vue quantitatif que qualitatif à la suite du pompage réalisé durant l’exploitation de la carrière. Quel avenir sera réservé à ce véritable pan du patrimoine brassicole belge ? Nul ne peut le dire au moment d’écrire ces lignes. Affaire à suivre…

 

« 20 bières d’auteurs en Wallonie et à Bruxelles », Michel Verlinden, Racine, ouvrage à paraître en novembre 2013. 

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